Une ville, un livre : courir un lièvre à la fois
Tout le mois de mars, la littérature est à l’honneur à Québec durant l’événement Une ville, un livre. Le roman en vedette de cette troisième édition? Le lièvre d’Amérique. Les citoyens sont invités à le lire et à participer à plusieurs activités en lien avec celui-ci.
Ce n’est probablement pas le fruit du hasard si ce livre a été choisi par le public cette année. Son histoire de surmenage résonne fort chez plusieurs d’entre nous en cette période particulière où trouver un équilibre entre le travail, la famille, les amis et les passe-temps n’est pas une mince affaire! Y a-t-il un danger à courir plusieurs lièvres à la fois?
Rencontre avec Mireille Gagné, auteure de plusieurs recueils de poésie, et qui signe avec Le lièvre d’Amérique son premier roman.
Q. D’où vous est venue l’idée du livre?
J’ai eu un épisode de zona il y a deux ans. J’ai été en arrêt de travail forcé. Il a fallu que je fasse une prise de conscience. Je me demandais comment j’en étais arrivée là à même pas 40 ans! J’étais extrêmement fatiguée. Je n’avais pas compris dans mon cheminement intérieur pourquoi le travail prenait autant de place.
Encore aujourd’hui, je dois me reposer la question parce que c’est facile de se faire avaler par le travail. J’ai compris que l’important, c’était de ne pas me réaliser seulement dans ça. Je suis donc allée puiser dans mon côté créatif. Je me suis remise au tricot, à la broderie. C’est à ce moment-là que j’ai écrit le premier jet du roman.
Quand j’ai une idée, il faut que j’écrive. C’est comme un raz-de-marée et je ne peux y échapper!
Q. Et pourquoi avoir choisi de vous inspirer du lièvre pour raconter cette histoire?
J’ai cherché l’animal qui dormait le moins pour le modifier génétiquement. Le lièvre représente l’effervescence, l’hyperactivité. Il peut même avoir deux grossesses en même temps! Je me suis demandé : « si j’avais plus d’heures par jour, qu’est-ce que je pourrais faire? »
Q. Votre livre est décrit comme une fable animalière néolibérale. Comment l’expliqueriez-vous?
J’aime beaucoup les contes et légendes. J’en ai lu beaucoup pendant mon enfance. Je trouve toujours ça intéressant d’ajouter du réalisme magique. J’utilise le conte pour passer un message universel et critiquer la société actuelle qui nous pousse au surmenage, à la surconsommation, à rentabiliser notre quotidien. Je voulais critiquer le fait que ça nous éloigne de notre instinct et de notre lien avec la nature.
Q. Vous êtes originaire de l’Isle-aux-Grues, mais vivez à Québec depuis 2005. Qu’est-ce qui fait, selon vous, que Québec est devenue en 2017 une ville de littérature de l’UNESCO?
Il y a beaucoup d’auteurs ici qui ont fait leur nom et qui ont une créativité différente des autres. C’est une bénédiction que Québec soit devenue ville de littérature de l’UNESCO. Ça ouvre des portes. J’ai des poèmes qui ont été traduits en anglais et ont été publiés en Europe de l’Est. Nous avons des résidences d’écriture.
C’est exceptionnel les avenues que ça peut donner en tant qu’auteur. La scène littéraire est très présente et le public de Québec est au rendez-vous. Les gens se déplacent pour assister aux spectacles littéraires. Ça nous donne un accès direct aux lecteurs.
Q. Vous dites que les auteurs de Québec ont une créativité différente. Qu’entendez-vous par là?
Je crois que la proximité de la nature qu’on a à Québec joue sur notre imaginaire. On est moins dans un lieu urbain. On a accès à la nature, au fleuve. Il y a plein de parcs. On sort du centre-ville et en 20 minutes, on a accès aux grands espaces.
Q. Avez-vous des lieux privilégiés à Québec pour écrire?
J’écris beaucoup à la maison. Mais une bonne partie du Lièvre d’Amérique a été écrit à la bibliothèque Monique-Corriveau et au Musée national des beaux-arts du Québec. J’aime la beauté et la tranquillité de ces lieux.
Le résumé du Lièvre d’Amérique indique qu’il s’adresse à ceux et celles qui se sont égarés. Forte de sa prise de conscience, du succès de ce premier roman, autant en France qu’ici, et en gestation pour son deuxième opus, Mireille Gagné a maintenant une meilleure idée après quel lièvre courir : celui de la créativité.
Et vous, courez-vous plusieurs lièvres à la fois?
Envie de plonger dans l’univers du Lièvre d’Amérique?
Ne manquez pas les activités organisées autour de ce roman. Capsule vidéo, quiz, jeux de mots, cercles de lecture et entretien exclusif avec l’auteure sont au programme.